Avr 15, 2013 / by Benjamin Rosoor / In Non classé / Commentaires :

Dénigrer son entreprise et son patron sur Facebook c’est autorisé ?

Cour de Cassation, Quai de l'Horloge. photo Erasoft24

Photo : Erasoft24

Cette décision de la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation du 10 avril dernier a fait le tour du web : des propos injurieux tenus sur un profil Facebook ne peuvent être considérés comme une injure publique disent en substance les magistrats. Enfin ! Cela fera date ! lisait-on en commentaire du partage du lien vers l’article des Echos qui a révélé la décision.
Une sorte de vent de liberté soufflait ainsi sur le web social comme si tout le monde allait pouvoir s’essuyer les pieds sur son entreprise ou son employeur, en toute impunité.

Débat sur Facebook : espace public, espace privé ?

Les Internautes ont un peu trop vite conclu que la haute juridiction avait définitivement jugé qu’un profil (appelé page dans la décision) était un espace privé. Ce n’est pas exactement cela. Comme l’explique Vincent Glad, la Cour de Cass’ a surtout invoqué le principe de communauté d’intêrets pour casser le jugement qu’elle avait à étudier. En effet, dans le droit français, une injure faite auprès d’une communauté d’intérêts (groupe limité par définition) est donc non publique. La punition, c’est une contravention (38€). Si au contraire, l’injure est publique, alors c’est un délit, et là, c’est une autre échelle pour les sanctions.

La jurisprudence repose donc uniquement sur un principe : un profil est une communauté d’intérêts, il n’est pas public. La Cour ne nous dit pas jusqu’à combien « d’amis » c’est effectivement le cas. Moins de 200 ? A noter qu’on parle bien là de profil « fermé », réservé aux amis acceptés volontairement. D’ailleurs plusieurs décisions allaient déjà dans ce sens y compris prises par les tribunaux des prud’hommes qui ont considéré que dénigrer son employeur sur son profil privé ne pouvait pas constituer un motif réel et sérieux de licenciement. En revanche, pour des propos publiés sur des pages publiques, les licenciements ont été validés.

Usage personnel d’Internet au travail…

Pour éviter cet écueil, des employeurs procèdent à des licenciements pour faute non pas pour injures ou diffamation mais pour « utilisation personnelle » d’Internet pendant le temps de travail. On voit ainsi passer régulièrement des décision dans ce sens…ou à l’inverse comme cette décision très récente de la Cour d’Appel de Bordeaux qui a estimé qu’une heure par semaine d’usage personnel d’Internet au bureau n’était pas abusif.

En conclusion.

Côté employés : si on peut éviter de dénigrer son entreprise ou insulter son chef de service ou employeur sur les réseaux sociaux, c’est mieux. Et si vraiment on ne peut s’y soustraire (sic) alors sachez que les juristes, malgré les décisions récentes tenteront de mettre en avant l’injure publique et donc, attention à bien « fermer » et maîtriser vos comptes et diffusions. Et pensez aussi aux dates de publication, si elles tombent pendant vos heures de service…Cela peut se transformer en élément à charge.

Côté employeurs : les tribunaux semblent de plus en plus « flécher » leurs décisions vers une dimension « privative » des réseaux sociaux. Et donc les sanctions contre les employés « bavards » sur Facebook ou autres réseaux sociaux vont se raréfier. Il est donc vraiment temps de mettre le sujet de l’e-réputation entre les mains des DRH. En effet, le meilleur moyen d’éviter les débordements, c’est de responsabiliser les personnels, d’évoquer ce sujet de la communication sur les réseaux sociaux au moment des embauches, dans les séminaires de direction, dans les réunions de personnels. C’est la meilleure défense…sans attaque.