Juil 3, 2013 / by Benjamin Rosoor / In Non classé / Commentaires fermés sur A mon humble avis…conso !

A mon humble avis…conso !

Ce matin, l’AFNOR présente à la presse son projet de norme sur les avis consommateurs sur Internet. Réalisé en mode wiki avec des professionnels, ce travail est positif  mais il ne réglera pas le problème culturel des consommateurs français qui ne maîtrisent pas ou mal l’art de la critique constructive.

A chaque fois que l’on parle des avis consommateurs, on pointe les pratiques déviantes des professionnels : sites e-commerce, hôteliers, etc. On ne parle jamais ou rarement des mauvais comportements des « consommateurs ». On évoque l’excellent travail de la DGCCRF (ancienne direction de la répression des fraudes) pour lequel j’ai été « entendu » en tant que professionnel sur les pratiques délictueuses de certaines entreprises : publication massive de faux avis positifs, sélection de commentaires, etc. La DGCCRF c’est un peu la police des entreprises et c’est donc normal qu’elle s’intéresse à elles. De plus elle s’appuie sur des lois et des règles comme le code de la consommation dans lequel a été intégrée une directive européenne de 2007 qui indique que la publication de faux avis positifs… C’est déloyal.  Et donc il y a une loi pour ça.

En revanche, on ne pointe pas souvent les dizaines de décisions des tribunaux français contre des consommateurs qui se sont rendus coupables après publication d’avis ou commentaires sur Internet de diffamation, injures, dénigrement, appels au boycott à l’encontre d’entreprises.  Et donc il y a aussi des lois pour ça !

Evidemment ce dernier paragraphe paraîtra totalement politiquement incorrect. Mais notre expérience au quotidien de la gestion de la relation avec les clients sur les espaces de discussion montre une réelle faiblesse du consommateur français dans la maîtrise de la critique constructive. Nous sommes bien d’accord que la finalité d’un avis c’est d’informer ses pairs (les autres consommateurs) et de faire progresser un service ou un produit. Ce n’est pas de se défouler.

Bienvenue dans le monde des « rageux »
Cette expression aurait pu être québécoise, en fait elle utilisée par les jeunes Community Managers de l’Agence, voici une définition :  rageux : nm.pluriel contributeurs en colère , agressifs, qui hurlent avant de réfléchir, qui ne sont pas constructifs. Ex.« Oh ! Il y a eu de l’orage cette nuit ? Parce que j’ai du rageux dans tous les fils de discussion ce matin. »

L’expression du consommateur, l’avis client rendu public n’est pas dans la culture du commerce en France. Les entreprises le prennent rarement en compte et les consommateurs ne savent pas les construire. Au début des années 2000, le site Ciao.fr avait créé une véritable révolution en imposant aux contributeurs une « qualité » de leurs avis : longueur imposée, qualité de l’expression, critique constructive. Bref, un véritable plan anti-rageux. Le site a eu toutes les peines du monde à obtenir de telles productions qualitatives.  En revanche, sur des sites moins restrictifs dont l’objectif est  essentiellement de générer de l’audience par l’intermédiaire de « clash » ou d’expressions anti pot-de-fer, la machine à publier des avis aigres et négatifs tourne à plein régime.

Bienvenue dans la culture anglo-saxonne.

Les avis conso sur Internet sont nés sur des plateformes communautaires américaines. Un pays qui a la culture du service et de l’évaluation de ce service. Quand vous regardez des avis sur Tripadvisor en anglais, vous verrez des avis positifs, négatifs, souvent construits et constructifs. Rarement de jugements à l’emporte-pièce comme on peut les lire en Français. Et même si côté entreprise cela ne fait pas obligatoirement plaisir, cela permet de progresser. Pour exemple, une récente discussion avec le propriétaire de chambres d’hôtes dans l’Entre-2-mers en bord de Garonne.  Il avait relevé sur Booking.com un commentaire négatif d’un de ses résidents. Ce touriste américain notait l’absence de TV dans les chambres…mais surtout, l’absence d’information en ce sens. Après une première réflexion « quand tu as un fleuve à ta fenêtre  tu te passes de télé », l’hôte a changé sa fiche de description en précisant qu’il n’y avait pas de TV. L’information consommateur a ainsi été améliorée.

A mon humble avis…
Si la volonté d’établir une norme est un progrès, attention à ne pas penser (ou laisser croire) que cela améliorera la qualité des avis consommateurs et leur prise en compte par les entreprises. Pour cela il faut de l’apprentissage, de la formation, de l’expérience.